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Le Monde de John
2 mai 2016

La responsabilité personnelle

Le problème de la responsabilité personnelle aboutit, comme on le voit, à la question de savoir si nous avons ou non conscience de notre liberté, et c'est en agissant que nous aurions besoin de sentir notre pouvoir libre et responsable; mais l'examen de notre conscience est impuissant à nous révéler ce pouvoir, car, selon Kant lui-même, la conscience ne saisit que des phénomènes, tout comme les sens. «L'homme, dit-il, d'après la connaissance qu'il a de lui-même par le sentiment intérieur, ne peut se flatter de se connaître tel qu'il est en soi; car, comme il ne se produit pas lui-même, et que le concept qu'il a de lui-même n'est pas à priori, mais qu'il le reçoit de l'expérience ou du sens intime, il est clair qu'il ne connaît sa nature que comme phénomène, c'est-à-dire par la manière dont sa conscience est affectée.» Voilà précisément le point capital; si je suis libre, je dois connaître à priori ce que je produis moi-même. Qu'est-ce qu'une liberté qui ne sait pas ce qu'elle fait et qui est obligée d'attendre que l'expérience le lui apprenne comme du dehors? Selon Kant, je me détermine d'une manière absolue dans le noumène; ma vie phénoménale ne sera que le visible reflet de cette détermination dans les eaux mobiles du temps; et néanmoins je suis obligé, comme Narcisse, de me pencher sur ce miroir, pour savoir si ma détermination est belle ou laide! Est-ce donc bien là mon moi, et cet acte aveugle est-il un acte libre? «Au-dessus, continue Kant, de cette collection de purs phénomènes que l'homme trouve en son propre sujet, il doit nécessairement admettre quelque autre chose qui leur sert de fondement, c'est-à-dire son moi, quelle que puisse être sa nature intime.»—Pourquoi dois-je admettre cette autre chose qui est moi, et qui ne devrait pas paraître autre ou étrangère à ma conscience? C'est là un moi de raison, un moi inconnu et transcendant, qui est bien loin de la vraie liberté. Dans les lignes qui suivent, il est vrai, Kant semble nous rendre une certaine conscience de notre activité propre: «Toutes les représentations, dit-il, que nous recevons passivement (comme celles des sens) ne nous font connaître les objets que comme ils nous affectent, ce qui ne nous apprend pas du tout ce qu'ils peuvent être en soi; par conséquent, par cette espèce de représentations, quelque attention que leur donne et quelque clarté qu'y ajoute l'entendement, nous ne pouvons arriver qu'à la connaissance des phénomènes, jamais à celle des choses en soi. Dès qu'on fait cette distinction (et il suffit pour cela de remarquer la différence des représentations qui nous viennent du dehors, où nous sommes passifs, et de celles que nous produisons de nous-mêmes, où nous montrons notre activité), il s'ensuit nécessairement qu'on doit admettre derrière les phénomènes quelque chose encore qui n'est pas phénomène, c'est-à-dire les choses en soi; quoiqu'il faille bien avouer que nous ne pouvons les connaître que par la manière dont elles nous affectent, et non pas comme elles sont.» Toute cette doctrine est fort obscure; si nous avons conscience, d'une manière quelconque, de représentations que nous produisons nous-mêmes par notre activité, nous les connaissons dans leur cause, à priori; nous pouvons donc les connaître telles qu'elles sont en elles-mêmes, et nous pouvons ainsi avoir une conscience de notre liberté par le dedans, non par le dehors, une conscience active et non passive de notre activité. Seulement, cette activité n'est plus, chez Kant, que celle de la raison. Nous voilà donc revenus à la liberté purement rationnelle, conséquemment impeccable. Quant à la conscience que j'ai de moi-même comme être individuel agissant dans le temps, loin de me révéler ma liberté, elle n'est possible elle-même, selon Kant, que sous la condition de la nécessité empirique. C'est donc bien à la raison universelle, et à elle seule, que Kant accorde la spontanéité absolue. Dès lors, on cherche vainement dans sa doctrine la part du moi et de la conscience véritable, non de celle qui se verrait passivement affectée, mais de celle qui, en agissant, se verrait agir. Nous demeurons toujours en présence de deux mondes, l'un intelligible et intemporel, celui de la raison, l'autre sensible et temporel, celui des phénomènes; mais nous n'avons aucun moyen terme entre la liberté universelle du premier et la nécessité universelle du second: les deux sont également impersonnelles.

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